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LES TRAVAILLEURS NE DOIVENT PAS PAYER LA CRISE

L’épidémie de COVID 19 qui affecte la plupart des pays du monde sert de prétexte à la bourgeoisie monopoliste et aux gouvernements à ses ordres pour préparer une offensive de plus grande ampleur contre les droits et acquis des travailleurs. La récente déclaration du président du groupe LREM à l’Assemblée Nationale Gilles Legendre en faveur de la nécessité de mettre de côté la réforme des retraites (ce que Macron s’est gardé de confirmer) pour assurer une large union nationale est un signe que la sortie de l’épidémie sera une occasion d’asséner des coups encore plus durs au monde du travail. Ainsi, le président du MEDEF Roux-de Bezieux invite à remettre en cause les congés et le régime du temps de travail pour permettre la reprise et assurer la survie des entreprises. Déjà les ordonnances de Macron ont permis, dans certains secteurs vitaux, l’extension de la durée du travail à 12 heures par jour et 60 heures par semaine, le travail du dimanche, alors que dans certaines entreprises et administrations la direction oblige les salariés à poser des jours de congés pendant le confinement et les empêche d’annuler ou de reporter ceux qui avaient été posés auparavant.

La situation sanitaire en France résulte de décennies de politique d’austérité, de fermetures d’hôpitaux publics, de suppression de lits et de personnel. L’insuffisance du nombre de masques, de tests et de place dans l’hôpital public, les incohérences et contradictions du discours gouvernemental (appels à continuer à mener une vie normale, puis à aller voter, puis à rester chez soi sous peine d’amende, voire de prison, mais à aller quand même travailler), la négligence du patronat vis à vis des mesures de protection des travailleurs expliquent la propagation du virus et la décision de mettre la quasi totalité de la population en confinement, pratique inédite et qui sert surtout à limiter l’engorgement des hôpitaux. 

En fait, le COVID 19 est venu aggraver la crise que subit le capitalisme au niveau mondial. Les inégalités dans le confinement et dans la prise en charge médicale selon que l’on appartienne à la population travailleuse ou aux couches bourgeoises ou petites-bourgeoises sont un révélateur que le capitalisme est incapable de satisfaire les besoins élémentaires du pays et de ses habitants. Les dernières déclarations de Macron prolongeant le confinement jusqu’au 11 mai signifient aussi que l’ampleur des dégâts économiques (fermetures d’entreprises, déficit prévu à ce jour de 7,6% du PIB) nécessitera un plan de relance que les travailleurs seront amenés à payer par une aggravation de l’exploitation. Pour restaurer leurs profits, les capitalistes devront baisser drastiquement le prix de la force de travail en augmentant la durée d’utilisation des équipements, en comprimant les salaires directs et indirects. Il faut s’attendre à ce que les mesures dérogatoires sur le temps de travail qui sont prévues pour une durée supérieure à celle du confinement soient généralisées. Les aides de l’État, évaluées à un minimum de 50 milliards, auxquelles s’ajouteraient 35 milliards de reports de cotisations sociales et d’impôts, risquent de ne pas suffire, à tel point qu’il est question de nationaliser des grandes entreprises en difficulté. Ces nationalisations ne visent bien sûr pas à remettre en cause le pouvoir de l’oligarchie financière, mais à renflouer temporairement ces entreprises aux frais de l’État avant de les restituer au capital privé quand leur profitabilité sera à nouveau assurée. Et contrairement aux situations précédentes où des nationalisations avaient pu permettre aux travailleurs en lutte d’obtenir des avancées en matière de droits et d’acquis sociaux, le rapport de forces n’est pas aujourd’hui en faveur des travailleurs dont les organisations syndicales sont affaiblies, notamment suite à la fusion des CE et CHSCT dans des CSE aux moyens réduits ne faisant pas le poids face au rouleau compresseur patronal et gouvernemental. Quant au plan politique, l’absence de parti communiste menant la lutte contre la propriété privée, la dictature de la bourgeoisie et de son État dans une perspective révolutionnaire pour une société socialiste limite l’efficacité des luttes. Il est urgent de le construire, et pas de renforcer les partis dits de gauche qui ne s’opposent qu’aux aspects les plus inhumains du capitalisme sans remettre en cause son existence.

Les quelques mesures temporaires avancées comme des nationalisations, l’annulation du versement des dividendes et la baisse des rémunérations de certains patrons, l’abandon des règles strictes en matière de déficit public ne doivent pas faire illusion. Elles sont seulement le signe que la bourgeoisie est en difficulté et qu’elle peut reculer quand elle risque de tout perdre. C’est pour cela que l’heure n’est pas à l’unité nationale avec les exploiteurs et leurs laquais qui sont directement responsables de la situation, mais à la préparation des luttes nécessaires pour repousser les attaques du MEDEF. L’État, qui s’attend à des mouvements sociaux très durs une fois le confinement terminé, ne s’y trompe pas. Il augmente déjà son dispositif répressif en restreignant les libertés démocratiques, en préparant la mise au point d’outils informatiques de pistage des déplacements des individus, et en réprimant de façon démesurée les cas réels ou supposés de non-respect du confinement. Ce n’est pas aux travailleurs de payer la crise, ils doivent s’organiser pour la faire payer par les capitalistes, par exemple en luttant pour que les aides à l’hôpital public promises par Macron soient effectives. Est-il admissible que Biomérieux vende d’abord son test aux USA, enregistrant au passage un bond de ses actions de 27,2% le 24 mars? Un État socialiste, après avoir nationalisé les grandes entreprises, planifierait la production et la distribution de tests ainsi que de masques, de vaccins, sans se soucier de la rentabilité financière. Il ne s’agit donc pas de volonté politique, mais de la nécessité de changer de système économique par l’appropriation collective des moyens de production et le pouvoir d’état des travailleurs.